Le doigt pointé vers une cellule ouverte. Le garde encagoulé ne prononce pas le moindre mot, mais son geste ne manque pas d'éloquence.
Je rentre dans la cellule. La porte se referme lourdement derrière moi.
Un temps de silence.
"Allô?"
Ça vient d'un coin de la pièce, dans l'obscurité.
"Quoi? Ils ont kidnappé combien de personnes exactement?"
"Écoute, on n'a pas beaucoup de temps. Ce n'est pas la première fois que je me fais séquestrer par ces types. Cette chambre est une salle d'accueil."
Ça fait bizarre de voir les choses comme ça, mais admettons.
"Ils sont en train de préparer ton transfert. Le mien aussi, par la même occasion. Tu as un téléphone sur toi?"
"Oui."
"Une faute que j'ai commise lors de mon premier passage ici, c'est de ne pas dissimuler la carte SIM de mon téléphone portable. Ils m'ont piqué mon portable et l'ont détruit. La seule issue, c'est de cacher cette carte dans ton slip."
Quoi?! Pas fou? C'est révulsant!
"Fais vite, tu auras une minute après qu'ils se seront occupé de moi."
Comme s'il avait senti venir les choses, il y eut un bruit de clef dans la serrure. La porte s'ouvrit en grand, et les faisceaux vifs et violents de puissantes torches électriques balayèrent la pièce. J'entendis des bruits de pas, un coup violent, un cri étouffé, une porte qui claque.
Ténèbre derechef.
J'attendis, l'ombre d'un instant, puis me précipitai. Le prisonnier avait raison. Je démontai mon portable dans le noir, et fis sauter la carte SIM. À tâtons, je tâchai de trouver où elle avait atterri. Je la glissai dans mon slip, puis reconstruisis mon téléphone tant bien que mal.
Après avoir de nouveau attendu un certain laps de temps, je me rendis compte qu'il fallait aussi cacher les confessions de Julie. Les informations qu'elles contenaient étaient bien trop cruciales. Alors, là encore, pfuit! Dans le slip!
Je ne pus m'empêcher de rire de cette situation insolite.
"De quoi tu ris?"
Ils venaient pour moi cette fois. Les torches se braquèrent toutes sur moi. Je ne bronchai pas.
Une silhouette s'avança et me mit un coup de genou dans l'estomac. La force du choc me fit tituber. Il me saisit vivement au bras, et me força à avancer. Devant mes yeux humides dansaient une pluie de faisceaux aggressifs et violents. Mes gardiens continuèrent à me trainer jusque dans une pièce étroite. Ils me ligotèrent à une chaise pliante.
Soudain, une lampe se braqua sur moi. Ébloui, je tâchai de détourner le regard, mais on me forçait à regarder la lumière bien en face.
Je sentis qu'on me fouillait. On récupéra mon téléphone. On s'empara de mon blouson, que l'on mit en pièces. J'aurais peut-être dû le glisser dans mon slip, lui aussi!
Une voix rauque surgit de nulle part.
"Sais-tu pourquoi tu es ici?"
"Non."
Coup de poing au visage. Souffrance. Ma mâchoire a pris un coup.
"Tu es ici parce que tu as pris quelque chose qui nous appartient. Est-ce que tu sais quoi?"
"Non."
Autre coup de poing. Dans le même sens, en plus. Encore une explosion de douleur dans mon crâne.
"On dirait que tu ne l'as plus. Où est-ce que tu as bien pu le poser?"
"Dites-moi ce que c'est, je pourrais vous aider!"
J'étais presque suppliant. Après tout, j'avais la bouche en sang.
Mais ça ne suffisait pas. La douleur fut aussi intense que les fois précédentes. Je n'arrivais pas à m'habituer. Je sentis un afflux de sang encombrer une narine.
"Il s'agit d'un carnet un peu spécial, dont les feuilles ont une couleur vert pomme."
"Ça ne me dit rien!"
Mon cerveau explosa. La souffrance était telle que je me mis à pleurer. J'essayai de me dégager, rien que pour oublier ma tête qui résonnait de douleur.
"Je vous jure que je veux vous aider! Pitié, aidez-moi!" pleurnichai-je, mes yeux ruisselants de larmes et de sang.
"Laissez-le mijoter."
...
Des médecins masqués me rasèrent le crâne et soignèrent mes blessures. L'alcool réveilla les souffrances dissimulées dans mes plaies. Je hurlai.
Il n'y avait personne pour m'entendre.
Le médecin avait fini. Il reposa ses instruments, et se tourna vers moi. Il sortit une matraque.
"Non, arrêtez..." suppliai-je.
Douleur.
...
"Comment tu t'appelles?"
Une voix de petite fille. Elle ne pleurnichait même pas. Depuis combien de temps était-elle enfermée?
Je me réveillai, non sans difficulté. Ce mal au crâne...
"Je m'appelle Émilie."
Je me frottai les yeux pour être sûr de ne pas rêver.
"Bonjour, Émilie. Qu'est-ce que tu fais là?"
"Il y a les vilains monsieurs qui veulent que je reste là."
L'enfant fit une moue triste.
"Et ils refusent que je voie ma maman."
J'étais dans une cellule éclairée à la bougie. Deux matelats posés à même le sol: le mien, et celui de la petite. Surpopulation carcérale au sein de cette mafia?
Je pris ma bougie et cherchai un miroir. Je ne fus pas déçu. J'avais le visage ravagé. Mieux valait ne pas montrer ça à la fillette.
"Je ne te veux aucun mal."
"Je sais", répondit-elle, brave et calme.
"Sais-tu quelle heure il est?"
"J'ai gardé ma montre. Les méchants ne me l'ont pas enlevée. Il est... euh... vingt-deux heures."
"Alors il est temps de dormir. Grosse journée demain!"
"Parle pour toi!" fit-elle, avec un sourire.
...
Boum. Boum. Boum. Boum.
Des chocs sourds contre le mur sur lequel j'étais replié. Qu'est-ce que c'était? Je collai mon oreille dessus pour mieux entendre.
Soudain, le bruit cessa. Je dressai l'oreille de plus belle, et entendis comme un froissement de papier.
Je mis longtemps à comprendre. Au pied du mur, mon matelas dissimulait un trou de souris mal colmaté. Je rouvris le trou, glissai ma main dedans et retirai... la manche d'une chemise!
La surprise manqua de me faire rire. Mon voisin de chambre était vraiment demeuré! Puis je remarquai les inscriptions écrites dessus, à la cire de bougie.
"J'ai dynamite pour ce mur. Demain 6h. Evasion pdt transfert."
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